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Point de vue sur le Design d’expérience utilisateur en France en 2024

Sandra, diplômée du master sociologie et ergonomie des technologies numériques

Le design d'expérience utilisateur

« L’expérience utilisateur décrit toute expérience et satisfaction qu’un utilisateur peut vivre et ressentir lorsqu’il utilise un produit ou un système.” (Don Norman↗).

Les facteurs à prendre en compte pour garantir une bonne expérience utilisateur (UX) sont multiples : l’utilité, l’utilisabilité, la repérabilité, la crédibilité, la désirabilité, l’accessibilité et la valeur.

The UX Honeycombe par Peter Morville (2004)

Uxineo (Sandra Machefer) attache beaucoup d’importance à la notion d’utilisabilité. Celle-ci est définie, par la norme ISO 9241-11, comme le « degré selon lequel un système, un produit ou un service peut être utilisé, par des utilisateurs spécifiés, pour atteindre des buts définis avec efficacité, efficience et satisfaction, dans un contexte d’utilisation spécifié ».

Le design d’expérience utilisateur (UX Design) consiste à concevoir un produit et l’expérience de son utilisation en suivant un ensemble de principes et de bonnes pratiques.  La démarche de conception itérative peut se résumer en 5 étapes  : la planification, l’exploration, l’idéation, la génération et l’évaluation.

Méthodes de design UX, Carine Lallemand, Guillaume Gronier, 2018

A chaque étape, plusieurs méthodes et techniques issues des sciences humaines et d’autres disciplines sont exploitées pour concevoir un produit ou service numérique. Par exemple, les entretiens, questionnaires, focus group, audits d’utilisabilité (principes de Nielsen, critères de Bastien et Scapin), benchmark ergonomique, ateliers de co-création, tests utilisateurs, maquettes, personas, cartes d’empathie, scénarios, tri de cartes, brainstorming, mind mapping etc.

Une démarche ou une intervention en UX peut conduire à des résultats remarquables, comme en témoigne l’histoire du « bouton à 300 millions de dollars », de Jared M. Spool, en 2009 (article de Jared M. Spool sur Center Centre – UIE : https://articles.uie.com/three_hund_million_button/). Celui-intervient pour conseiller une entreprise qui édite un site e-commerce. Une fois les courses effectuées et le panier renseigné, le site affiche une page de formulaire simple et standard. Les champs à remplir sont l’adresse email et le mot de passe, les boutons sont « Login » et « S’enregistrer » et un lien concerne le « Mot de passe oublié ». Il n’y a pas de problème d’interface majeur. En revanche, Jared mène des tests utilisateurs auprès de clients potentiels et fidèles et constate un réel problème d’expérience utilisateur. Les clients sont tous freinés par le fait de s’inscrire pour réaliser un simple achat et certains refusent de s’enregistrer car ils jugent cette obligation abusive. Parmi les clients fidèles, nombreux sont ceux qui ne se souviennent pas de leurs identifiants et perdent beaucoup de temps et de patience à essayer différentes combinaisons. Suite à cette étude, le bouton « S’inscrire » est remplacé par un bouton « Continuer » et l’inscription au site n’est plus obligatoire pour réaliser un achat. Le nombre d’acheteurs augmente de 45% et les achats supplémentaires sont de 15 millions de dollars le premier mois, pour atteindre jusqu’à 300.000.000 de dollars de revenu supplémentaires la première année.

L'UX en entreprise aujourd'hui

Le concept d’expérience utilisateur est aujourd’hui au cœur des tendances du numérique. Les grands groupes intègrent des experts au sein de départements dédiés et de plus en plus d’agences digitales mettent en avant leur expertise dans le domaine. Mais les entreprises qui méconnaissent la démarche et ses bénéfices sont nombreuses et toutes n’ont pas les moyens de solliciter un spécialiste ou de prendre le temps de se documenter.

Dans l’exercice de la discipline et au travers de ses collaborations avec les équipes, Sandra Machefer a ainsi observé plusieurs pistes d’amélioration :

  • une meilleure connaissance du métier dans le secteur numérique
  • une initiation du grand public à la discipline
  • un support régulier malgré un manque de budget

Une meilleure connaissance du métier dans le secteur numérique

En France, peu d’entreprises ont un salarié à temps plein dédié à la conception et l’optimisation de l’expérience utilisateur. Les entreprises spécialisées dans le domaine du numérique usent « à tout va » du concept d’UX et il est tendance de mettre en avant son souci des utilisateurs et de la qualité de l’expérience délivrée. Il s’agit d’un argument commercial fort. Malgré tout, elles ne recrutent pas toutes un spécialiste UX  pour les accompagner au quotidien. Elles ont plutôt tendance à prioriser le recrutement d’un UI Designer (User Interface Designer) pour lui conférer des tâches de graphisme. Dans le meilleur des cas, des critères d’ergonomie de surface (UI) sont vérifiés et respectés mais cela ne suffit pas pour garantir une expérience utilisateur de qualité.

De surcroît, bon nombre des entreprises qui emploient un UX Designer confondent son rôle avec celui d’un UI Designer. Elles comptent un spécialiste UX dans leurs effectifs mais ne lui donnent pas les moyens de mener à bien sa mission. Dans ce contexte, l’essentiel du travail demandé à ces professionnels consiste à réaliser rapidement des maquettes d’interfaces à partir d’une expression de besoin ou d’un cahier des charges précis fourni par l’entreprise. Les optimisations d’interface se limitent souvent à modifier l’esthétisme du produit et à y positionner de nouvelles fonctionnalités de manière cohérente avec l’existant ou au regard des concurrents, cela en un temps record qui ne permet pas de reconsidérer l’ensemble pour mieux intégrer le nouvel élément. A ce stade, les temps impartis permettent rarement le recours aux utilisateurs. Ainsi, selon les résultats d’une enquête réalisée par Designers interactifs sur la place de l’UX dans les entreprises françaises, celles ayant recours à l’UX s’autoévaluent en moyenne à 5,63/10 de niveau de maturité (2018).

Les professionnels de l’Expérience utilisateur doivent donc souvent remettre en question les process internes pour affirmer leur rôle et pouvoir mettre à profit leurs compétences en sciences humaines. Ils doivent de plus en plus justifier leur intervention en argumentant tels des professionnels du Marketing, en terme de Retour sur Investissement (ROI) et en fournissant des indicateurs de performance clés (KPI).

Le ROI (pour Return On Investment) est un indicateur financier, exprimé en pourcentage, qui permet de mesurer la rentabilité d’un investissement en comparant le coût de l’investissement réalisé et les bénéfices engendrés en retour. ROI = ( (gain de l’investissement – coût de l’investissement) / coût de l’investissement ) x 100.

Dans ce contexte, de nombreux postes UX/UI sont occupés par d’anciens graphistes ou développeurs qui n’ont pas la formation adéquate et méconnaissent les principes d’ergonomie (Nielsen, Bastien & Scapin etc.) ainsi que les méthodes de conception et d’évaluation adaptées.

Une initiation du grand public à la discipline UX/UI

L’ergonomie digitale, l’expérience utilisateur et l’utilisabilité sont des disciplines très spécifiques et inconnues du grand public. Pourtant, avec la généralisation de l’usage des nouvelles technologies, la plupart des entreprises françaises expriment désormais le besoin de créer une interface numérique (un site web, un site e-commerce, un portail interne ou une application mobile par exemple) pour présenter et soutenir leur activité de manière efficace, efficiente et satisfaisante. L’ergonomie digitale concerne donc des structures de toutes tailles et de tous secteurs. Ses principaux principes et méthodes gagnent donc à être connus, accessibles et vulgarisés auprès de ces profils.

Certains particuliers sont également porteurs de projets numériques, de manière non lucrative, à titre personnel par loisir, en tant que bénévole d’une association ou encore en amont d’une démarche de création d’entreprise. Quelques connaissances dans la discipline pourraient vivement les aider.

Outre le fait que ces porteurs de projets ignorent la discipline et ses bénéfices, on constate chez eux un manque de budget et de temps pour mettre en place une démarche de conception exhaustive car il ne s’agit pas de l’essentiel de leur activité.

A partir d’une idée générale de leur future interface numérique, ils sollicitent généralement une agence de communication ou un webmaster pour la leur créer et livrer clé en main (quand ils ne la créent pas eux-mêmes via une plateforme de Content Management System ou via l’aide de leur entourage). Ils ne réalisent pas à quel point l’étape de réflexion et de conception est cruciale en début de projet. Une démarche centrée utilisateur peut leur faire économiser beaucoup de temps et d’argent.

Un support régulier malgré un manque de budget

Par méconnaissance de la discipline et des gains ROI, de nombreuses entreprises évoluant dans le secteur du numérique allouent peu de budget aux équipes projet pour gérer les phases de conception et d’évaluation. De plus, l’expertise en UX/Ergonomie représente un coût important car elle nécessite généralement un niveau d’études Bac+5 ou équivalent.

L’embauche d’un salarié UX à temps plein est donc une charge conséquente pour les sociétés. Certaines la justifient quand le numérique est au cœur de leur stratégie. Les autres font plutôt appel à des sociétés de conseil pour des prestations ponctuelles en UX au cours du cycle de vie de leur projet : particulièrement lors du lancement d’un nouveau produit, de l’intégration d’une fonctionnalité phare ou suite au constat de nombreux problèmes d’ergonomie difficiles à résoudre en interne. Dans ce cas, les professionnels de l’UX sont souvent sollicités trop tardivement et succinctement. En effet, le recours aux utilisateurs et/ou l’étude experte et approfondie des problèmes remontés met souvent en lumière une problématique plus profonde dans l’architecture du produit et du service. A ce stade, cela engendre des coûts de modification importants pour y pallier et répondre aux réels besoins et usages des utilisateurs ciblés. Le choix de la technologie utilisée est parfois même remis en question car celle-ci ne permet pas de refondre le produit de la manière dont il faudrait.

Il est donc plus rentable de consacrer davantage de temps et de budget en amont pour s’assurer de l’utilité et l’utilisabilité des fonctionnalités plutôt que de revenir dessus une fois celles-ci développées. De plus, cela évite des utilisateurs mécontents et une image de marque à revaloriser. Idéalement, l’UX doit être constamment prise en compte.

En conséquence, à défaut de pouvoir faire appel à un expert de manière continue ou régulière, les porteurs de projets numériques tireraient bénéfice à posséder de meilleures connaissances dans la discipline et des outils méthodologiques simples et rapides pour les guider dans les choix de conception et les orientations à prendre au quotidien (éventuellement entre deux interventions). Cela éviterait l’accumulation de nombreux petits défauts d’ergonomie au fil du temps qui conduisent ensuite à la nécessité de recourir à des refontes complètes et complexes.

De plus, Sandra a constaté la difficulté des équipes à opérer des choix relatifs à l’ergonomie. La discipline étant liées aux sciences humaines, il n’est pas évident de discerner la meilleure proposition formulée parmi les membres. Les réunions méritent davantage de cadrage et de guidage, sans pour autant freiner leur aspect créatif et participatif. Les objets de facilitation/supports physiques facilitent ce travail étant donné leur neutralité. Leur caractère impersonnel, en comparaison des participants aux réunions, les démarque et les place en position d’animateurs et médiateurs de réunion.

Certaines méthodes populaires pourraient être également mieux utilisées. C’est le cas, par exemple, des personas. Il s’agit de personnages imaginaires créés pour représenter chaque groupe d’utilisateurs ciblé (leurs caractéristiques significatives). Certaines équipes fondent leur réflexion sur des a priori,  créent un unique persona ou choisissent de véritables clients comme personas. Le résultat est subjectif, caricatural ou, à l’inverse, trop détaillé et spécifique. Il est préférable de ne pas utiliser cette méthode plutôt que de l’utiliser uniquement de cette façon puisqu’elle oriente les décisions tout au long de la vie du projet. Par ailleurs, le design thinking est de plus en plus utilisé mais de la mauvaise manière. Il est tendance de recourir à la méthode en début de projet (ou en cas de refonte),  lors d’une réunion ou d’un atelier de 1 à 3 jours. Cet atelier est parfois réalisé sans phase de recherche en amont. Il en ressort souvent une proposition très intéressante et créative qui permet la validation de l’équipe et l’obtention d’un budget. Toutefois, cette proposition manque souvent de prendre en considération les principales contraintes techniques du projet et les fonctionnalités n’ont pas encore été bien détaillées et confrontées. L’approche design thinking n’est généralement pas poursuivie. Hors, le design thinking est une démarche qui s’adopte dans la durée et non pas uniquement à un instant T, lors d’un unique événement (qui permet malgré tout une initiation aux méthodes UX). Aussi, une fois sorties de l’atelier, au moment de développer, les équipes se heurtent à des questions fondamentales. Elles constatent que le planning sur lequel elles se sont engagées n’est plus cohérent et qu’il est important d’approfondir la phase de conception.

Enfin, l’usage des logiciels et des plateformes web de conception collaborative se généralise (ex : Miro). Ces outils sont pratiques quand les équipes sont distantes, dans le cas de multinationales ou de structures ayant des effectifs répartis sur plusieurs sites. Cela l’est également avec la généralisation du télétravail. Mais, pour les petites structures ou lorsque les parties prenantes du projet travaillent ensemble régulièrement, il est dommage qu’il ne se réunissent pas autour d’une table pour concevoir ensemble de visu et concrètement. Cela manque de convivialité et accroît le temps de travail passé sur écran, qui cause fatigue et autres symptômes.

Besoin d'un accompagnement UX/UI ? Nous sommes là pour vous conseiller

Dans ce contexte, Uxineo souhaite soutenir les spécialistes UX qui œuvrent pour une meilleure compréhension et adoption de leur discipline et de leur métier, faire connaître et rendre accessible le design d’expérience utilisateur aux entreprises qui ne sont pas spécialisées dans le domaine du numérique (particulièrement les petites entreprises) et fournir des outils simples et conviviaux aux équipes de conception digitale qui ne disposent pas d’un expert UX au quotidien dans leur équipe, pour intégrer facilement une démarche UX dans leur mode de fonctionnement.